Une nuit de bascule sur le marché de l’or

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La transition entre mars et avril 2025 a été marquée par un retournement inattendu sur le marché de l’or. Le 28 mars, à quelques heures de la clôture du mois, le COMEX enregistrait encore plus de 106 000 contrats à terme sur l’or à échéance avril. Ces positions ouvertes représentaient plus de 10 millions d’onces, soit environ 332 tonnes, équivalentes à près de la moitié des stocks disponibles dans les coffres de l’institution.

Pour les analystes, ce chiffre inédit laissait présager une demande de livraison physique exceptionnelle, capable de mettre à rude épreuve l’infrastructure logistique du marché. Pourtant, dans les toutes dernières heures, près de 90 000 contrats ont été annulés, clôturés ou reportés. À l’ouverture d’avril, seuls 34 865 contrats ont finalement été activés pour livraison, soit moins de 17 % des stocks « éligibles ».

Un signal d’alerte, pas encore une crise

Cette volte-face soudaine, bien que rassurante à court terme, soulève des interrogations sur la stabilité du système. Était-ce un mouvement stratégique de fin d’échéance, ou une tentative de manipulation sans réelle intention de livraison ? Certaines voix évoquent des interventions discrètes entre grandes institutions, voire un soutien implicite des régulateurs, afin d’éviter un choc systémique.

Quoi qu’il en soit, cet épisode montre que le marché de l’or repose sur un équilibre fragile, où la simple perspective d’une demande physique massive peut faire vaciller les fondations. Si le pire a été évité, la tension reste palpable, révélant une perte de confiance progressive envers les règlements purement financiers.

Un regain d’intérêt pour l’or physique, porté par la Chine

Alors que les États-Unis ont récemment connu une flambée des achats d’or physique, la Chine semble suivre le mouvement. Sur la Shanghai Gold Exchange, les volumes échangés ont explosé : le 31 mars, plus de 22 tonnes d’or ont changé de main, un sommet depuis près d’un an. Ce sursaut d’activité confirme que l’or physique reste une valeur refuge privilégiée, notamment en période de turbulences économiques globales.

Une économie à la dérive et une inflation persistante

Le climat économique mondial prend des allures de scénario stagflationniste : une croissance qui s’essouffle, couplée à une inflation qui s’accroche. Aux États-Unis, les prix à la production repartent à la hausse, pendant que les commandes industrielles fléchissent et que les stocks augmentent. Sur le plan social, la confiance des ménages dans leurs revenus futurs atteint un point bas historique.

Cette perception détériorée influence directement les comportements : moins de consommation, plus d’épargne, et un repli généralisé qui pèse sur la croissance. Dans une économie où la consommation représente près de 70 % du PIB, cette prudence pourrait avoir des effets domino, affectant les entreprises, l’investissement, et in fine, l’emploi.

Trump relance la guerre commerciale

Pour ne rien arranger, Donald Trump a annoncé, le 2 avril, une série de nouveaux tarifs douaniers. Les produits européens sont taxés à hauteur de 20 %, et plusieurs pays asiatiques subissent des hausses pouvant dépasser 50 % sur certains biens. Cette escalade commerciale pourrait renforcer les pressions inflationnistes, accentuant les risques de ralentissement économique.

La tech dévisse, les ménages s’inquiètent

La chute des grandes valeurs technologiques aggrave le sentiment de repli. Des actions comme Nvidia, Meta ou Tesla ont perdu jusqu’à 40 % depuis la fin 2024, affectant directement les portefeuilles des ménages américains, souvent exposés à travers les ETF ou les plans retraite. L’effet de richesse s’effrite, alimentant le pessimisme général.

Même lorsque les entreprises affichent une croissance de leur chiffre d’affaires ou de leur flux de trésorerie, cela ne garantit pas une hausse de leurs actions. Si cette croissance est financée par une dilution des actionnaires ou une mauvaise allocation du capital, le marché finit toujours par réagir.

Prévisions économiques en chute libre

Le modèle de la Fed d’Atlanta prédit désormais une contraction du PIB américain de 1,7 % pour le premier trimestre 2025. Une révision brutale par rapport aux projections initiales, qui laisse craindre une entrée en récession, surtout dans un contexte de taux élevés et de visibilité macroéconomique réduite.

L’or, valeur refuge dans un climat d’incertitude

Alors que les marchés actions vacillent, l’or continue sa progression. Cette rotation de capital, typique des périodes de stagflation, témoigne d’un basculement progressif des investisseurs vers des actifs jugés plus sûrs. Si les tensions économiques persistent, ce mouvement pourrait encore s’amplifier dans les prochains mois.

En résumé, entre instabilité géopolitique, fragilité économique et regain d’intérêt pour les métaux précieux, l’or confirme plus que jamais son statut de refuge. La prudence reste de mise, mais pour les investisseurs avisés, ces signaux sont autant d’opportunités à saisir.

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